À Treynas (07), une communauté de paysans-forestiers

Treynas, une communauté de paysans forestiers en Ardèche. Où l’on parle de collectif, d’autonomie, d’autogestion et de filière bois. Reportage dessiné.
Copin des bois

Treynas, c’est le nom d’un hameau perché à 972 mètres d’altitude en plein milieu de l’Ardèche, tout au bout d’un bout du bout de la vallée de l’Eyrieux. Un lieu isolé, à regarder la carte. « Isolé de quoi ? » répliqueraient certains. Des grands axes de communication, des hectares d’agriculture industrielle, de la foule des villes. Loin de la métropolisation, mais proche de leurs terres.

Treynas, arrivée à vélo dans la vallée de l’Eyrieux, reportage dessiné

Treynas, le hameau. Coopérative Longo Maï, reportage dessiné

Une coopérative Longo Maï

Treynas, c’est aussi le nom de la communauté qui s’y est installée. Leur histoire ici commence avec une première vague de soixante-huitards, parmi lesquels Maïté – que tous les gosses appellent aujourd’hui Mémé. Vingt ans après leur arrivée, la deuxième génération donne un second élan : ils reviennent à la ferme avec l’envie de la rattacher au mouvement Longo Maï, un réseau européen de coopératives agricoles autogérées. Les ponts sont jetés, si bien qu’aujourd’hui Treynas est tout sauf isolé.

Ce qui semblait être le bout du bout à mes jambes de cycliste fatiguée, est en fait un lieu de passage. Il y a d’abord toutes les migrations internes des jeunes venant d’autres coopératives Longo Maï. Il y aussi les jeunes stagiaires, avec ou sans convention. Et puis les chantiers collectifs, les temps de formation, les fêtes : autant de prétextes à la rencontre et au partage de leurs convictions. À traîner les oreilles à leur table, je comprends vite que Longo Maï est aussi, et peut-être surtout, un réseau de luttes. Ainsi, ce hameau reculé est même relié à l’international. Solidarité, soutien, accueil, engagement.

Habiter pour combattre ?

Treynas est tissé de politique. Au-delà des activités qu’ils ont développées, c’est un mode de vie qu’ils défendent. Le collectif au quotidien, l’autonomie sur les besoins primaires, la résistance aux excès du capitalisme. Habiter et combattre. Habiter pour combattre ? Ce matin, j’ai trouvé cette phrase dans un manifeste écrit par des habitants du bocage de Notre-Dame-des-Landes : « Envisager la prise de terres comme une arme de guerre. » Ici, tranquillement, il y a de ça.

Pour une propriété d’usage

Une envie commune à l’ensemble des coopératives Longo Maï est de s’extraire de la propriété privée exclusive. Extraire les terres, les forêts et même les biens immobiliers du système capitaliste au sens premier du terme : un système où ils deviennent le capital d’un individu, intégralement ou par le biais de parts ou d’actions. Une conception qui invite à la spéculation et à l’enrichissement personnel. Pour ancrer leur vision collective, les coopératives de Longo Maï ont choisi de créer une fondation (Fonds de Terre Européenne) et d’y mettre l’ensemble du foncier et de leurs fermes. Ainsi, les droits liés à la propriété privée sont démantelés et répartis entre différents acteurs.

Treynas de Longo Maï, répartition des droits de propriété entre plusieurs acteurs

Bon… ça c’est moi qui essaie de conceptualiser leur lien à la terre. Mais en réalité, ils l’habitent et ils s’arrangent. D’ailleurs, une partie des terres qu’ils utilisent à Treynas est tout simplement squattée. Il faut dire qu’il n’y a pas grand monde pour en revendiquer l’usage…

Être autonomes et tous interdépendants

Treynas, communauté Longo Maï Ardèche, le territoire

La communauté de Treynas a choisi l’autonomie financière – mis à part l’acquisition des terres, pour laquelle la Fondation a fait appel aux dons. Le fonctionnement en est théoriquement simple : toute activité économique vient alimenter une caisse, commune. Sur le papier, la communauté s’est constituée en une association loi 1901, inscrite à la MSA (Mutualité Sociale Agricole). Ils en sont tous bénévoles : un moyen de ne pas se contraindre dans le salariat. À la base de leur autonomie, il y a, incontournable, la production alimentaire : légumes, produits laitiers, viandes, patates et céréales.

Aujourd’hui, Treynas tient l’ensemble d’une filière bois entre toutes ses mains.

Plus tard, l’envie d’être autonomes pour le bois de chauffage et la construction des bâtiments lance le développement de l’activité forestière. Bûcheronnage et charpente. Puis la menuiserie s’installe, suite à la rencontre avec un menuisier ukrainien. Quelques années plus tard, c’est au tour du sciage de prendre place, avec l’achat d’une scie à ruban mobile. Finalement, les filles se décident à entrer elles aussi en forêt, en peaufinant leur méthode de traction animale pour débarder les bois. Aujourd’hui, Treynas tient l’ensemble d’une filière bois entre toutes ses mains. Leur savoir-faire est désormais reconnu par d’autres, recherché ailleurs et transmis à son tour.

Tout est bon dans un arbre

La filière bois à Treynas, partie 1

La filière bois à Treynas, partie 2La filière bois à Treynas, partie 3

 

Le site internet de l’association Pro Longo Maï.

Une émission radiophonique de France Culture sur l’aventure de Longo Maï.

Une émission de Radio Zinzine en partenariat avec le RAF sur les paysans-forestiers de Treynas.