Prendre en main la gestion de forêts, l’émergence d’une idée
Nicolas et Marion m’ont accueillie une dizaine de jours chez eux, au beau milieu du Haut-Languedoc, à La Clédelle. Leur maison – et terrain – est en haut d’un petit vallon qui glisse vers le village de Cambounès. Ici, ils travaillent à mettre en place un système agroforestier durable. Le principe ? Capter un maximum de lumière, par un maximum de végétaux, étagés et diversifiés, où chaque « déchet » est valorisé pour que rien ne se perde. Le but ? Boucler la boucle d’un écosystème productif pour pouvoir s’y nourrir durablement.
Sauf qu’autour de chez eux, l’ambiance c’est plutôt production intensive de bois, avec des sols régulièrement mis à nus par des coupes rases, pour ensuite replanter en rangs une seule espèce d’arbre et lui apporter engrais et pesticides pour qu’elle puisse pousser bien tranquille toute seule. Pas vraiment durable le truc…
Alors quand ils découvrent avec d’autres l’existence du Groupement Forestier pour la sauvegarde des feuillus du Morvan, dans le film Le Temps des forêts, l’idée émerge d’acheter des forêts en collectif pour les gérer de manière durable.
Acheter des forêts en collectif, concrétiser une idée
L’idée est lancée, le petit groupe se réunit à plusieurs reprises pour s’accorder sur leurs objectifs.
Associer plusieurs propriétaires forestiers, qui ont déjà des forêts donc, pour avoir des exemples autour desquels se regrouper, échanger, s’encourager. Une charte de sylviculture durable – proposant de laisser 10% des surfaces en libre évolution par exemple – serait le garde-fou pour se retrouver autour de pratiques communes. Ce groupement aurait aussi un intérêt financier et pratique : confier les forêts à un gestionnaire commun, avoir un réseau de bûcherons locaux, regrouper les produits de chacun suite à des coupes d’éclaircie pour avoir suffisamment de volume à proposer à un potentiel acheteur, etc.
Acheter des forêts ensemble et assurer une gestion durable de ces parcelles. De quoi motiver des personnes qui souhaiteraient s’impliquer dans le projet mais n’ont pas de forêt, pas d’argent, ou les deux. Déjà, Nicolas commence à prospecter auprès de la mairie pour contacter les propriétaires des forêts autour de chez lui. Mais pour acheter 50 hectares de forêt, il faut de l’argent. L’éternelle recherche de fonds… Le groupe se tourne vers l’association Envol Vert, avec laquelle ils viennent de monter le projet d’agroforesterie Au pré des mes arbres. Eux, a priori, ils ont les épaules : un réseau de financeurs, le bagage de gros projets déjà réalisés, les rouages administratifs. Bref, c’est plutôt rassurant. Alors en ce moment Nicolas rédige une fiche-projet avec laquelle Axel, salarié de l’association, pourra commencer à chercher des sous. Quelle forme le projet prendra précisément ? Quelle coquille administrative ? Un Groupement Forestier ? Un collectif associé au fonds de dotation Forêts en Vie ? Pour Nicolas, c’est secondaire : il s’agit « simplement » de trouver le bon outil.
Sensibiliser sur tout ce que peut nous apprendre une forêt, en forêt. Emmener des écoles, des adultes intéressés, proposer des animations. Et puis aussi, mettre en branle en en lien une filière bois locale autour de cette gestion alternative : des bûcherons, des scieurs, des charpentiers et des clients à la recherche de bois de chauffage, d’un plancher ou d’une charpente pour leur maison.
Un rêve de gestionnaire
Nicolas me dit que ce qui le motive est un plaisir égoïste de gamin : l’envie de jouer dehors. Passer du temps en forêt, identifier des arbres d’avenir, les bichonner, observer, expérimenter. Faire une sylviculture d’arbres, dans le détail des individus et non pas dans la récolte systématique de tout un peuplement. Est-ce que le groupe s’aventurera à une gestion collective, sur le terrain, des forêts achetées ? Ou est-ce qu’elle sera confiée à un gestionnaire, sous le regard attentif du groupe ? Rien n’est décidé, mais ce qui est certain, c’est que ce sera un grand terrain de jeu pour ceux qui s’y impliqueront.
Motivé par un plaisir de gamin : l’envie de jouer dehors.
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