« AMAP » c’est pour Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne. Ça vous parle ? Ce sont ces paniers de légumes où l’on paye le maraîcher à l’année. L’ambition est d’être solidaire avec le paysan en lui assurant un revenu stable, tout en mangeant local et de saison. C’est aussi l’occasion de tisser un lien entre celui qui cultive et celui qui se nourrit.
Et si on transposait cette idée d’AMAP au bois de chauffage ? Pour relier celui qui met des bûches dans son poêle, le « paysan-forestier » qui a récolté ce bois et le propriétaire de la forêt. C’est le pari lancé en 2011 par l’association Dryade, dans la Drôme.
Dans la Drôme, tu coupes tout ou tu coupes pas
Depuis 50 ans, des chênes tordus et des pins sylvestres pas bien hauts s’installent dans la vallée de la Drôme. Si l’on y ajoute les rangées d’arbres plantées volontairement, c’est la moitié du département qui se retrouve boisé. Du bois donc, mais du bois d’œuvre, pas tant.
Les drômois, à défaut d’une culture forestière, ont une culture du taillis : la forêt, soit tu la laisses pousser dans même la regarder, soit tu la coupes, en entier.
Ceci étant, la grande majorité du bois de chauffage est quand même importée. Autonomie énergétique ? On y est pas encore.
T’es bûcheron ? Tu coupes tout et tu te payes pas
Dans ces forêts qui ont poussé spontanément, les arbres sont souvent serrés et enchevêtrés les uns dans les autres. Alors en couper certains sans abîmer ceux que l’on choisit de laisser se développer, c’est un savoir-faire. Mais aujourd’hui le travail des bûcherons est dévalorisé par la concurrence des machines et par le recours à des travailleurs non déclarés et payés une misère. Résultat ? Il n’est pas rare qu’un indépendant se paye 500€/mois pour faire du bois de chauffage à temps plein, sans réussir à faire valoir ni ses compétences ni la dangerosité et la pénibilité du métier…
Pour du bois chauffage respectueux des forêts et de leurs travailleurs
De quel bois tu te chauffes ? C’est la question que pose l’association Dryade aux drômois, comme une invitation à enquêter sur ceux qui se cachent derrière leur stère de bûches. Banal ? Loin de là ! Le dialogue entre les propriétaire forestiers, les exploitants et les utilisateurs de bois est rare voire inexistant… À défaut, chacun se cantonne à son propre regard sur le bois, bien différent selon sa position dans la filière. Restent quelques tensions et beaucoup d’incompréhensions.
Une motivation pour l’association Dryade à pousser l’idée de circuit court jusqu’à organiser des réunions publiques avant chaque chantier de coupe. Propriétaires, bûcherons et consommateurs s’y retrouvent pour s’accorder sur le prix du bois… et pas seulement !
Il faut bien dire que leurs forêts, telles quelles, ne valent pas grand chose. L’intervention du bûcheron sur ces bois pauvres et difficiles à exploiter relève plus du service rendu que du prélèvement d’un bien de valeur ! Le capital sur pied – les arbres maintenus en forêt – en sort améliorer : les arbres qui se développeront seront de plus belle qualité et la prochaine intervention bien plus facile. Il faut y voir un investissement sur le moyen/long terme.
Dans les coupes d’amélioration menées pour l’association Dryade, c’est moins d’un tiers des arbres de la parcelle qui est prélevé par le bûcheron. Il choisit des arbres d’avenir qu’il favorise – leur valeur augmente – et travaille à diversifier les essences d’arbres et leur âge – la forêt est alors plus résistante. Un travail de qualité, qui demande une rémunération à la hauteur.
Au départ, l’ambition de Dryade était de faire participer les acheteurs au chantier : ils apprennent, ils comprennent, ils aident, ils paient moins cher. Mais il s’avère assez vite que leur participation ne facilite pas vraiment le chantier et l’idée est laissée de côté. En revanche, la sensibilisation à la gestion forestière et au travail des bûcherons reste bien au cœur du projet !
L’AMAP permet notamment de responsabiliser l’utilisateur de bois bûche quant à la trésorerie qu’il faut avancer pour acheter la coupe au propriétaire et réaliser le chantier. En effet, le bois, sec, ne sera vendu que deux ans plus tard… Elle permet également d’expliquer le prix juste de la stère de bois : celui qui permet de rémunérer un travail respectueux des forêts. Ramené au kWh – à son efficacité énergétique – le bois reste bien moins cher que d’autres énergies comme le fuel, le gaz ou l’électricité.
Un fonctionnement d’AMAP bois bûche
Dans l’idéal, le rôle de l’association se limite à faire le lien entre les différentes personnes impliquées dans ce circuit court. Mais après huit ans de fonctionnement, Dryade n’a pas encore déniché l’exploitant forestier qui assure tout le déroulé, du chantier à la livraison. Les béné volés sont donc bien plus sollicités… et s’épuisent. L’AMAP bois bûche s’est donc mise en pause cette année.
La semaine dernière, mon oreille traînait à la formation d’éco-gestionnaire forestier récoltant proposée par le CFPPA de Digne-Carmejane. Une étudiante s’exclame : « S’il n’y a personne qui travaille comme on veut à côté de chez nous, faut les former ! ». Voilà peut-être un début de réponse pour le maintien d’une sylviculture paysanne…
le dossier du RAF sur le bois de chauffage en circuit court
le site internet de l’association Dryade