La charte pour des forêts vivantes a été rédigée au sein du Réseau pour les Alternatives Forestières il y a plusieurs années déjà. Aujourd’hui, l’objectif est de réunir autour de cette charte toutes les personnes désireuses de mettre en œuvre une sylviculture et des filières bois écologiquement responsables et socialement solidaires, au-delà du clivage entre professionnel·les et non professionnel·les. L’association m’a demandé de la mettre en forme, et en images. Retranscription.
Où est le temps des forêts ?
Pour répondre aux défis climatiques, environnementaux et sociaux d’aujourd’hui, la forêt est l’un de nos principaux atouts. Au-delà de la production de bois, elle est un vivier de biodiversité et un puits de carbone, indispensable à la qualité de l’eau, de l’air, de notre santé. La valeur de la forêt pour nos sociétés n’est pas monétisable. Il est temps de la considérer comme un bien commun.
Trop d’acteurs politiques et de la filière forêt-bois regardent aujourd’hui les forêts comme un capital financier, à rentabiliser à court terme. Derrière l’étiquette « durable et écologique » acollée aux produits bois, se cache la dégradation des écosystèmes forestiers et des métiers qui y sont liés. Les sols se tassent et s’appauvrissent, la biodiversité est en chute libre et la monotonie des plantations n’offre aucune résilience face aux maladies et aux aléas climatiques. Les savoir-faire ne sont plus reconnus, le service public forestier est démantelé, le marché foncier toujours plus spéculatif et les citoyen·nes exclu·es des prises de décisions qui affectent durablement les forêts qui composent leurs paysages.
Reste une filière forêt-bois industrielle, standardisée et sous perfusion d’aides publiques, dont les externalités négatives ne sont jamais prises en compte par notre modèle économique court-termiste.
Où est le temps des forêts ?
Des alternatives prennent forme face à ce constat, grâce à toutes les personnes soucieuses de défendre des forêts vivantes : celles qui bûcheronnent, débardent, scient ou travaillent le bois, grâce à des propriétaires, des gestionnaires forestiers, des élu·es, des habitant·es. La charte pour des forêts vivantes nous rassemble autour d’objectifs communs. Elle réunit une grande diversité d’initiatives, aussi imparfaites qu’engagées, qui font aujourd’hui réseau afin de s’enrichir mutuellement et de s’améliorer quotidiennement.
La charte pour des forêts vivantes
La nature de la forêt
Prendre conscience que la forêt est un organisme vivant jouant un rôle de régulation irremplaçable dans l’équilibre des écosystèmes, du paysage et du climat.
Accepter qu’elle ne nous appartient pas, qu’elle n’a pas besoin de nous et que nous avons besoin d’elle.
La considérer comme un partenaire et non un gisement de production.
Apprendre à cohabiter avec ses divers·es habitant·es.
Humilité et sylviculture douce
Respecter les cycles forestiers et les limites des écosystèmes. Accepter une échelle de temps dépassant la vie humaine.
Reconnaître l’importance fonctionnelle de toutes les composantes de la biodiversité.
Accompagner les forêts et les plantations vers des forêts mélangées en espèces et en âges se régénérant naturellement, avec des arbres âgés, des semenciers et des forêts matures, ainsi que des zones sans prélèvement.
Maintenir une couverture forestière permanente ; refuser les coupes rases comme mode de gestion. Ne pas adapter la sylviculture à la normalisation industrielle, en particulier par les plantations de monocultures.
Observation et recherche d’équilibre dans les interventions
Observer et chercher à comprendre le milieu avant toute intervention en forêt.
Ajuster la récolte de bois à une analyse sérieuse de la fertilité du sol à long terme et à la nécessité de maintenir des micro-habitats pour la faune et la flore. Ne pas sortir de la forêt les rémanents de coupe et les souches.
Rechercher l’équilibre de l’écosystème dans le prélèvement de végétaux, d’animaux, de champignons ou de tous produits non ligneux de la forêt.
Techniques légères et équipements adaptés
Pour les techniques de récolte du bois, réduire l’emprise des équipements (routes, pistes et places de dépôts) au minimum rendu nécessaire par l’usage d’une technologie appropriée à une filière à taille humaine, la plus courte et locale possible.
Cantonner la circulation des engins aux voies de débardage et les exclure des sites biologiques fragiles, en particulier des tourbières, des fonds de vallée et autres zones humides.
Privilégier les moyens ne consommant pas d’énergie fossile. Utiliser des huiles végétales et des carburants peu polluants. Faire usage d’engins à tonnage réduit, et tant que possible du débardage animal.
Considérer que les machines lourdes, en particulier les abatteuses, sont des aberrations écologiques et sociales.
Dialogue et responsabilité
Partager et remettre en question ses pratiques liées à la forêt et à ses ressources.
Être ouvert au regard d’autrui et
à l’écoute de tous les points de vue.
Informer et créer des espaces de dialogue afin que tous et toutes puissent exercer leur responsabilité sur l’usage qui est fait de la forêt dans leur territoire et au-delà.
Sensibiliser le public sur les dégâts causés par certaines pratiques actuelles et sur l’urgence à développer des alternatives.
Partage et sensibilité
Partager l’expérience, les connaissances et les passions pour la forêt, ses ressources et ses relations avec l’humain.
Privilégier une approche sensible et concrète.
Transmission et autonomie
Développer des formations permettant un travail forestier et artisanal autonome, allant de l’observation de l’écosystème à l’utilisation des ressources en passant par la récolte sélective.
Favoriser l’apprentissage par des temps de travail commun.
Encourager les initiatives individuelles et collectives cherchant à vivre dans la forêt et de ses ressources.
Reconnaissance sociale
Reconnaître le rôle et le travail manuel des hommes et des femmes en forêt.
Soutenir la pluriactivité des professionnel·les comme moyen d’autonomie.
Avancer vers une viabilité des métiers de la filière bois en répartissant équitablement les ressources économiques entre acteurs, du propriétaire au client final et développant des filières courtes.
Achats et usages responsables
Exercer sa responsabilité de consommateur·ice de bois en faisant ses choix en pleine conscience.
S’informer et informer sur la provenance géographique, le circuit commercial, le mode de prélèvement, le type de forêt, les produits de traitement utilisés et la durée de vie de l’objet.
S’organiser et innover pour ne pas gaspiller les ressources et pour favoriser les usages durables du bois.
Rejoignez le mouvement pour des forêts vivantes !
Le site internet du Réseau pour les Alternatives Forestières – alternativesforestieres.org
Le site internet de Forêts en Vie – foretsenvie.org
À diffuser, la charte en version PDF – Charte_forets_vivantes_RAF.pdf
Les illustrations ont été réalisées sur la commande du Réseau pour les Alternatives Forestières : merci de leur demander l’autorisation si vous souhaitez les utiliser.