Ce manifeste est le fruit d’une série d’ateliers de co-construction qui se sont déroulés dans une vallée des Pyrénées Ariégeoises, dans le cadre du projet de recherche européen Just-Scapes (INRAE). C’est aussi un appel à l’action, qui s’adresse aux acteurs politiques, aux collectivités, aux institutions et à l’ensemble des citoyen·nes.
Dans son Plan Climat, la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone en 2050 pour lutter contre le changement climatique à l’échelle globale. Augmenter le stockage de carbone dans les sols et les forêts, réduire les émissions issues de l’agriculture (fertilisation azotée, élevage de ruminants), rapprocher les lieux de production et de consommation : les territoires ruraux sont au cœur des transformations attendues.
Si les politiques climatiques peuvent représenter des opportunités pour les territoires ruraux, elles peuvent aussi générer des tensions, des injustices. Qu’en est-il de la répartition de l’usage des sols entre l’élevage, les productions pour l’alimentation humaine, les forêts ? Comment se donner des priorités, entre le local et l’international ? Les transformations nécessaires sont profondes, et elles doivent être socialement justes.
Les propositions qui suivent sont issues du travail de recherche de Cécile Barnaud, Benjamin Bégou et Lisa Darmet, pour l’INRAE. Elles cherchent à refléter et respecter la diversité des idées entendues lors du processus de concertation, souvent polarisées.
Diversifier l’agriculture et tendre vers des pratiques plus résilientes
Développer des pratiques interdépendantes à l’échelle de la vallée pour limiter les imports de matières (ex : échanges entre élevage et cultures).
- Subventionner les petites fermes diversifiées à forte valeur ajoutée (ex : maraîchage, arbres fruitiers, petits fruits, élevage avec transformation, etc.) pour augmenter le nombre d’installations (ex : en subventionnant les actifs agricoles, pas seulement les surfaces).
- Adapter les critères des labels existants afin qu’ils valorisent mieux les pratiques agroécologiques, la diversification, la transformation locale et les circuits courts.
- Expérimenter localement des pratiques et des productions adaptées au changement climatique et à la diminution de la ressource en eau (ex paillage, variétés, usage de la forêt).
- Identifier les pratiques les plus émettrices de gaz à effets de serre et accompagner leur évolution (notamment en repensant la PAC).
Mutualiser et collaborer pour faciliter le développement des circuits courts
- Orienter les choix des productions locales selon les besoins alimentaires des habitant·es du territoire pour augmenter la souveraineté alimentaire.
- Mettre en commun des surfaces agricoles, des moyens de production et des points de vente pour faciliter la diversification.
- Créer localement des laboratoires de transformation diversifiés (productions végétales et animales).
- Amplifier la vente de produits locaux au sein des structures existantes et développer de nouveaux points de vente (marchés, magasins de producteurs, etc.)
- Coordonner, au sein des bassins de vie locaux, les transports et la logistique entre la production (élevage, maraîchage, etc.), la transformation et la distribution (avec camion réfrigérant).
Tendre vers une gestion foncière plus équitable
Impliquer les communes dans la définition de stratégies foncières en lien avec la stratégie alimentaire locale.
- Faire évoluer les critères institutionnels d’attribution du foncier pour permettre un accès aux terres à une diversité de projets agricoles de façon équitable.
- Créer des structures foncières collectives de type Associations Foncières Pastorales (AFP) qui soutiennent à la fois les activités pastorales et non pastorales.
- Impliquer les communes dans la définition de stratégies foncières en lien avec la stratégie alimentaire locale (ex : récupération des biens vacants et sans maître et concertation sur l’attribution des terres).
- Favoriser des arrangements entre éleveur·euses et autres producteur·ices pour faciliter à ces dernier·es un accès à des terres mécanisables et irrigables.
Entretenir les milieux ouverts
- Établir des plans de débroussaillement communaux en cartographiant les besoins locaux (projets agricoles, reconquête des terrasses, entretien des estives, bords de routes, alentours des villages, risques incendies, etc.)
- Organiser de manière concertée des campagnes collectives de débroussaillement et/ou défrichement (fougères et boisement spontané, ex : chantiers citoyens).
- Considérer les produits de la friche comme des ressources (créer une filière « fougère », bois de chauffe pour les collectivités et les particuliers, cueillette d’espèces sauvages).
- Développer la prestation de service « débroussaillage » par les troupeaux (ex : chez les particuliers).
Former, communiquer et se coordonner
- Mettre en place des formations techniques et des retours d’expériences sur l’agriculture en montagne pour accompagner les installations (ex : sur la production, la vente, la transformation, la valorisation).
- Former les élu·es aux enjeux liés à l’agriculture, la forêt, l’alimentation et le foncier (ex : application plus systématique du droit à la formation et des fonds alloués).
- Organiser des rencontres entre les habitant·es, les différent·es producteur·ices et entre les générations pour mieux se connaître, lutter contre les idées reçues et transmettre les savoirs.
- Permettre aux associations et aux collectivités de se former aux techniques d’animation et de coordination de groupe.
- Recréer une convergence des communes de la vallée (ex : création d’un syndicat intercommunal) pour formuler des stratégies collectives sur l’agriculture, la forêt et l’alimentation et favoriser l’économie circulaire.
L’ensemble du document en format PDF – manifeste_Just-Scapes
Le site internet du projet Just Scapes dans les Pyrénées – justscapespyrenees.com
Le documentaire de Jérôme Prudent, réalisé en parallèle du projet de recherche.
Les illustrations ont été réalisées sur la commande de l’INRAE : merci de leur demander l’autorisation si vous souhaitez les utiliser.